Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

actualités afro-caribéennes – région Sud

Réactions à l'article de la Marseillaise du 11 décembre 2014

Suite à l'article de la Marseillaise paru le jeudi 11 décembre 2014 http://www.lamarseillaise.fr/marseille/politique/34034-le-fn-vote-contre-les-logements-sociaux, le Collectif centenaire Aimé Césaire à Marseille, Kenjah, ainsi que Claire ont réagi (lire plus bas).

D'autre part, concernant la suite de la rue-impasse Aimé Césaire qui serait reportée au mois de février (cf la Provence du 05 décembre 2014), le Collectif Centenaire Aimé Césaire a interpellé par courrier avec A/R le Sénateur de la Ville de Marseille ainsi que Jean Luc RICCIA, adjoint municipal à la Mairie de Marseille, afin de leur faire part d'une demande complémentaire portant sur l'inauguration d'un lieu plus digne et plus visible au nom de l'Universalité d'Aimé Césaire : par exemple l'école primaire de Saint-Mitre où certains élèves ont travaillé sur les poésies de Césaire (prévues au programme), ou la Bibliothèque du Merlan et pourquoi pas le Théâtre du Merlan scène national... digne de ce Grand Homme de Culture Aimé Césaire.
Sachant que l'interrogation des membres de la diaspora est d'autant plus présente et prégnante depuis la disparition du rond point Victor Schoelcher à Marseille...

Réactions à l’article du journal la Marseillaise du 11 décembre 2014 ''Marseille le FN vote contre les logements sociaux ''

Réaction du Collectif centenaire Aimé Césaire

Monsieur RAVIER, sénateur-maire du 13ème et 4ème arrondissement depuis les dernières élections de 2014, apparemment inscrit depuis l'âge de 16 ans au Front National, ne peut que se montrer digne de l'idéologie de ce parti de rejet, de crispation et de repli sur soi.

En conséquence en quoi est-il surprenant, voire déconcertant qu'il n'applique la discipline de ce parti qu'est la « préférence nationale », y compris dans l'attribution des logements sociaux. Accentuer le fossé entre les diverses composantes de la population marseillaise, raviver les tensions entre les communautés, c'est le credo du Front National. Et les commentaires de cet élu frontiste contribuent à entretenir la flamme de la division.

Selon ses propos : « Le Martiniquais sera toujours prioritaire sur le Suédois parce que je n'ai pas une conception racialiste mais nationale ! » Nous pouvons nous questionner à ce sujet, pourquoi Suédois.. et pas Italien, Espagnol, Portugais, pour rester sur les abords de la Méditerranée.. Est-ce un ''humour épidermique''. ?

Interrogé par Stéphane Mari sur l'inauguration ratée d'une rue au nom de l'écrivain Aimé Césaire, le sénateur-maire de secteur lepéniste affirme qu'il n'a pas été prévenu mais confie son scepticisme sur l'homme. « Il a été un homme politique de premier plan, très engagé contre la France. Très axé contre la décolonisation. »

Monsieur RAVIER démontre soit une mauvaise foi évidente, soit une méconnaissance avérée d'Aimé Césaire. Faisons lui grâce de la mauvaise foi, et penchons nous plutôt sur la seconde hypothèse. Son approche d'Aimé Césaire semble subodorer une imprégnation très forte de son idéologie ''du rôle positif de la colonisation'' d'une part et d'autre d'une conception ''racialiste de la nation '', même s'il s'en défend.

Méconnaissance de l'Homme Césaire luttant contre toute forme de barbarie dont le nazisme, la colonisation, et le ''Chaos-Monde par le refus, la négation de l'Autre.

Reprenons les arguments de cet édile de la République :'' Il a été un homme politique de premier plan très engagé contre la France.''

Aimé Césaire est né en 1913 en Martinique (colonie française à l'époque). Et 1913, c'est la veille de 14-18, la Première guerre Mondiale au cours de laquelle bon nombre de Martiniquais ont payé, avec leur frères d'armes, '' le lourd tribut de l'impôt du sang pour défendre la mère-patrie'', comme au cours de la seconde guerre Mondiale de 39/45.

Aimé Césaire pendant cette dernière guerre mondiale, est enseignant en Martinique : colonie française sous le régime de Vichy représenté par l'Amiral Robert. Avec d'autres intellectuels, dont son épouse Suzanne, il publie et diffuse une revue ''Tropique'', revue jugée comme subversive par le régime pétainiste qui interdira sa parution. La lettre d'interdiction de Tropiques est datée du 10 mai 1943. Monsieur RAVIER est-ce cela lutter contre la France en luttant avec ses ''armes, ô combien miraculeuses,'' contre un système de barbarie que fut le régime nazi? Par ailleurs est-ce, être contre la France, alors qu’Aimé Césaire est l'un des acteurs de la départementalisation (la loi du 19 mars 1946 est dite ''loi d'assimilation'') et qu'il sera considéré, par d'autres, comme celui qui a empêché les Antilles-Guyane d'accéder à l'indépendance.

Autre argument du sénateur-maire lepéniste ''Très axé sur la décolonisation'', rappelons donc qu'Aimé Césaire est né en Martinique, 65 ans après la seconde abolition de l'esclavage de 1848. La Martinique, pays où les stigmates de la traite négrière et l'esclavage imprégnaient et imprègnent toujours le climat social. Notre homme politique, notre Homme de Culture est issu de cette société fondée sur ce premier système barbare inhumain, raciste, légalisé par le Code Colbert ''le code Noir''. Code inique, scélérat, qui sera remplacé par un autre code tout aussi indigne : le Code de l’Indigénat, destiné à faire régner le «bon ordre colonial». Comme vous le savez peut-être, ce fut ce crime contre l'humanité '' traite négrière et l'esclavage'' qui enfanta de la colonisation. Comment l'Humaniste Aimé Césaire pouvait-il accepter une telle Barbarie que constitue la colonisation ? Citons le dans son essai "Discours sur le Colonialisme" de 1950 : [...]La colonisation travaille à déciviliser le colonisateur, à l'abrutir au sens propre du mot, à le dégrader, à le réveiller aux instincts enfouis, à la convoitise, à la violence, à la haine raciale, au relativisme moral [...] Le colonisateur, qui pour se donner bonne conscience, s'habitue à voir dans l'autre la bête, s'entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête. »

A ce propos rappelons un génocide oublié, au tout début de la colonisation. En Namibie,où les colons allemands entreprirent d'exterminer systématiquement les peuples Herero et Nama. C'est au cours de ce premier génocide du XXe siècle, que furent expérimenté les premiers camps de concentration ainsi que les premières expérimentations médicales sur des cobayes humains ainsi que des collections de crânes humains, sans omettre la présence de Heinrich Göring (le père de Hermann Göring...) et de Theodor Mollison et Eugen Fischer, le père de l'anthropologie génétique allemande, qui seront les maîtres de Josef Mengele, « l'ange de la mort » des camps nazis. ( voir documentaire Namibie : le génocide du IIe Reich réalisé par Anne Poiret,). No comment mais comment se taire, alors recourons encore une fois à Aimé Césaire : « Une civilisation qui s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. »

Mais comme Monsieur RAVIER sait, que'' tout génocide sécrète son négationnisme '' n'est-ce pas et ne peut pas être'' pour les Hommes de progrès que nous sommes, qu’un ''détail de l'histoire''.

Et enfin c'est méconnaître profondément l'Universalité d’Aimé Césaire, lorsque cet élu prétend que par rapport à ''notre œuvre'' (colonisation) Césaire a préféré ''défendre la Négritude''. Laissons Aimé Césaire lui répondre « Partir Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-panthères, je serais un homme-juif/ un homme-cafre / un homme-hindou-de-Calcutta / un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas / l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture/ on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne - un homme-juif / un homme-pogrom / un chiot / un mendigot / mais est-ce qu'on tue le Remords, beau comme la face de stupeur d'une dame anglaise qui trouverait dans sa soupière un crâne de Hottentot? in ''Cahier d'un retour au pays natal''. Que pensez-vous de la négritude d'Aimé Césaire ?

Le ventre de la bête immonde est toujours fécond, alors demeurons extrêmement vigilants et pas en tant que simple spectateur :

''Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle, car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse.'' (Aimé CESAIRE, Ferrements, 1960)

Réaction de Kenjah

Aimé Césaire à Marseille : la Diversité dans l'impasse...

Face à la nécessité de changer de logiciel social, face aux défis de la la mondialisation, du réchauffement climatique et des migrations de la misère, la France se réfugie dans un nationalisme ethnique annonciateur d'un retour vers le futur des crispations qui ont jalonné l'histoire du XXème siècle. La montée du Front National de Marine Le Pen en est l'indice le plus flagrant, Marseille et la Région PACA le laboratoire le plus pertinent. Pour l'heure nous n'en sommes qu'aux prémices symboliques, mais le réveil sera dur pour ceux qui croient encore que le principe de laïcité protège leur droit à la différence dans la République. Car il faut le répéter, la conception laïque du FN est une conception ethnique, excluante et exclusive : parmi les Français non originaires d'Europe, seuls ceux qui acceptent de renier leur culture, de s'aliéner et de s'assimiler à la francité gallo-romaine, auront droit de cité. Stéphane Ravier, sénateur-maire FN du 14ème arrondissement de Marseille depuis quelques mois, vient d'en donner une énième illustration. Aimé Césaire, symbole parmi les symboles d'une autre conception de la France, en est le prétexte.

En 2011, anticipant le centenaire de la naissance du leader martiniquais, le Comité Mam'Ega – implanté sur les quartiers nord de Marseille et le fameux 14ème arrondissement – prend l'initiative de créer un « Collectif Marseillais pour le centenaire d'Aimé Césaire ». Son principal objectif était, notamment, d'inscrire cette initiative dans le cadre exceptionnel des événements liés à « Marseille 2013, Capitale Européenne de la Culture ». Malgré tous ses efforts et la richesse de ses propositions, le Collectif échoua à faire prendre en compte son projet, parmi les centaines de manifestations bénéficiant de ce label. En désespoir de cause, le Collectif proposa à l'édilité marseillaise le principe d'attribuer le nom d'Aimé Césaire à une rue de la ville. En décembre 2013, le conseil municipal de secteur (13ème/14ème) votait la décision qui actait ce principe. Décision prise à l'unanimité moins une voix : celle de l'opposant FN Stéphane Ravier, devenu depuis maire du secteur. En dépit de ces aléas électoraux, la cérémonie de nomination fut officiellement annoncée pour le 5 décembre 2014, en présence de Mmes Georges Pau-Langevin, ministre des outre-mers, et Sophie Elizeon, déléguée interministérielle à l'égalité des chances des Français d'outre-mer. Jusqu'à ce qu'on réalise que la rue retenue pour porter une telle symbolique n'était qu'une... impasse. En contact avec le Collectif, la ministre décida de surseoir à sa présence, au motif justifié « qu'une telle affectation était indigne de la stature d'un Aimé Césaire ». La cérémonie fut « reportée » sine die, les uns et les autres se renvoyant la balle et le cabinet de la ministre précisant que seul son agenda empêchait sa présence à Marseille...

Ce cafouillage, qui en dit long sur la place des ultramarins dans la société française, fut largement commentée par la presse locale. Interrogé par le journal La Marseillaise, Stéphane Ravier (dont la mère fut naturalisée française à l'âge de 15 ans) fit une déclaration dont il nous faut commenter deux extraits :

  1. « On ne peut pas porter deux drapeaux sur les mêmes épaules, ne serait-ce que par loyauté... Le Martiniquais sera toujours prioritaire sur le Suédois parce que je n'ai pas une conception racialiste mais nationale » Tout y est. Tout et son contraire. Dans la même phrase, il affirme le principe national (qui refuse de considérer tout particularisme) et désigne « le Martiniquais » comme une identité distincte (qu'il inscrit dans la nation française, à la manière d'un... Césaire). Mais alors, qu'est-ce qui lui permet de distinguer le Martiniquais ? Son lieu de naissance ? Quid de ceux qui sont nés en France et qui se reconnaissent comme tels (et j'en suis) ? Comment définit-il la réalité du fait martiniquais ? Pourquoi distinguer un Martiniquais d'un Suédois, sinon – à l'évidence - pour opposer les apparences du Nègre et du blond aryen ? Faudra-t-il débaptiser rue et station de métro Désirée Clary, marseillaise devenue reine de Suède ?

  2. Mais l'opinion de Ravier sur Aimé Césaire mérite qu'on s'y arrête : « Il a été un homme politique de premier plan, très engagé contre la France. Très axé contre la décolonisation (sic). Il a rejeté notre œuvre et préféré défendre la négritude.» Rappelons que Césaire continue à être vilipendé par les indépendantistes antillais pour avoir rejeté la voie d'un État-nation et inscrit le destin de la Martinique dans le cadre français. Mais de cela le FN n'a cure. Seule compte pour ce parti la manière d'être Français : à savoir, cracher sur sa propre histoire, renier toute différence, rogner toute spécificité. Un bon Français est un Européen ou un Nègre honteux (voire un Harki). On ne saurait être Français et dénoncer le crime contre l'humanité que fut l'esclavage ; un Français ne saurait être fier de ses origines africaines et créoles ; un Français ne saurait dénoncer la colonialité qui (via le sentiment nationaliste de supériorité culturelle) persiste au sein de l’État et de la société française. Bref, pour ces gens-là, Aimé Césaire – le premier des Martiniquais – n'était pas vraiment un Français : il ne valait pas mieux qu'un Suédois. A quand une rue Mayotte Capécia1 à Marseille ?

Les péripéties de ce cafouillage lamentable sont révélatrices d'une médiocrité intellectuelle qui doit nous prévenir de toutes les exclusions à venir, au moment où le FN s'apprête à conquérir la Région PACA (puis la présidence de la République ?). Elles renforcent notre ancrage dans la pensée et le combat d'Aimé Césaire pour un humanisme rénové, à la lumière de la violence coloniale qui nous fut imposée quatre siècles durant. De cette violence ethnique, dont Ravier et le FN entretiennent l'inavouable nostalgie. Jusqu'à ramener la France, et les Français amnésiques, dans les impasses meurtrières qui firent les malheurs de l'Europe et du monde durant le siècle passé. A ceux-là notre poète avait répondu : « Le Nègre vous emmerde ! »

Kenjah

1 Mayotte CAPECIA publia en 1948 un roman autobiographique, Je suis Martiniquaise, faisant l'apologie de l'assimilation. Frantz Fanon en a fait une figure de l'aliénation antillaise.

Réaction de Claire

"Il est bien évident qu'Aimé Césaire mérite sa place au Panthéon des grands hommes en France.
J'en profite à mon tour pour exprimer ce que je pense du "problème français".

Tant que nous tenterons de résoudre les problèmes français par un jeu de partis politiques, Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que nous continuerons à tolérer les inégalités sociales, nous ferons alors toujours un peu plus de place au FN, et Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que les riches mettrons leurs enfants dans des écoles privées, Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que nous accepterons que les quartiers d'une ville se transforment progressivement en ghettos sociaux, Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que l'individualisme sera le moteur de notre société, que les uns mangeront des ortolans tandis que les autres continueront à faire leurs courses chez Lidl, Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que nous accepterons le délitement de l'Etat au profit d'un libéralisme économique sans contrôle, Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que nous accepterons que nos acquis sociaux, la sécurité sociale, la CAF, les organismes de retraites soient au bord du dépôt de bilan, Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que les gens passeront leurs soirées devant la télévision plutôt que de se rassembler pour réfléchir ensemble à améliorer leur société et leur mode de vie, Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que la voiture individuelle sera utilisée au quotidien par des gens qui prônent avant tout le confort personnel, au risque de détruire la planète, la santé, par une pollution outrancière, Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que les gens croirons que la grandeur humaine se mesure à se que l'on a plutôt qu'à ce que l'on est, Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que le combat des uns ne sera pas celui des autres, parce que chacun s'occupe de sa paroisse, de ses origines, de sa couleur de peau, de son métier, de son handicap, de ses préférences, Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que l'humanité ne se sentira pas une et indivisible, et qu'elle ne refusera pas toutes les idées qui peuvent faire croire aux hommes qu'ils sont différents, que certains valent mieux que d'autres, que les rancoeurs sont éternelles, Aimé Césaire ne passera pas.
Tant que nos revendications seront peines perdues, parce que les gens sont fatigués avant même de se battre, et préfèrent miser sur leur confort palpable, alors nous continuerons à foncer dans un mur, et le choc laissera peu de survivants. Alors Aimé Césaire n'aura pas de place dans une rue en sens interdit. Alors plus personne ne se souciera qu'il y ait des rues avec des noms de rue. Et les grands hommes disparaîtront de nos mémoires quand les hommes n'auront plus que des préoccupations de survie. Si l'on ne fait rien pour changer notre société, ce jour-là c'est demain, et peut-être même aujourd'hui."

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :